Pascal Oscar Emile DELATTRE


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1891 - 1911 :  L'enfance

 

Le 4 septembre 1891 nait le petit Pascal Oscar Emile DELATTRE à Outreau dans la région de Boulogne sur mer (Pas-de-Calais) au domicile familial rue des Fournaux à Outreau à 5h30 du matin. Il est le fils de Charles Vincent DELATTRE et de Marie Louise TRUPIN. Il n'est pas fils unique étant donné que son père a eu une autre femme quelques années auparavant nommée Irma CARPENTIER avec laquelle il a eu une petite Palmire Juliette DELATTRE. De son côté, Marie Louise à également eu un enfant dix ans plus tôt dénommée Laure Louisa TRUPIN.

 

La commune d'Outreau, dans le Boulognais au début du XXe siècle.

 En 1903, sa demi-soeur Laure Louisa décède à l'âge de 21 ans sans que l'on connaisse à ce jour les raisons de ce décès soudain, à Berck. Il a alors 11 ans. Deux ans plus tard, sa grand-mère maternelle Louise VEZILIER décède à son tour dans son village de Campigneulles-les-Grandes à l'âge de 73 ans. 

 

En 1906, Pascal et ses parents démenagent et s'installent à Boulogne sur mer au 3 rue Damrémont. Son père est alors cimmentier dans la cimenterie François (faisant probablement partis des Hauts Fournaux de Montataire installés sur la commune d'Outreau). Il le rejoint également en tant que cimentier dès l'âge de 15 ans. Deux ans après, son grand-père maternel Charles Marie TRUPIN décède sur la même commune à l'âge de 78 ans. 

 

Les Hauts Fournaux de Montataire à Outreau où se trouve la cimenterie François

1911 - 1919 :  La jeunesse, l'affaire Couvelard et la Guerre

 

A l'âge de 20 ans, il devient ajusteur mécanicien et réside toujours avec ses parents au 41 rue Damrémont à Boulogne sur Mer.  Le 10 octobre 1912 in incorpore (du fait de ses 20 ans) l'armée pour son service militaire et intègre le 1er Dépôt de l'Equipage de la Flotte sous le n°32865 en tant que soldat de 2e classe. Il devient donc marin et monte à bord du sous-marin "Le Rubis". 

 

Dans la nuit du nouvel an 1914, Pascal qui se trouve en permission chez ses parents à Boulogne reçoit après le diner la visite de sa demi-soeur Palmyre DELATTRE avec son compagnon M. DELOBEL ainsi que sa compagne Yvonne PETIT et une autre jeune femme Marguerite WIGNIER. Tout ce petit monde se rend alors au bal du nouvel an d'Outreau. Cependant, la cohue y était telle que Pascal et ses amis décident de se rendre plutôt au bal du Portel (une commune voisine) où il devait y avoir moins de monde. Sur la route, vers 23h30, près du cimetière du Portel, Pascal décide d'essayer son revolver Hammerless à balles blindées qu'il avait acheté quinze jours auparavant à un autre camarade marin. 

 

Il tire donc un coup de feu en l'air. La détonation est-elle qu'elle fut entendu par 4 autres jeunes gens : Louis (19 ans), son cousin Etienne ainsi que des amis qui viennent en sens inverse à une trentaine de mètres. Louis COUVELARD et l'un de ses amis connaissent M. DELOBEL qui est un ancien camarade d'atelier. Les deux groupes s'arrêtent donc pour causer et Louis demande donc qui vient de tirer. Pascal, totalement ivre, s'écrie alors :

<<  C'est moi qui ai tiré ! Si tu en veux, en voilà ! >>

 


L'affaire COUVELARD fait la Une des presses régionales en 1914

Il porte un violent coup de poing sur la tête de Louis qui s'effondre sur le sol. Une bagarre éclate, les amis des deux côtés tentent d'empecher les deux adversaires d'en venir davantage aux mains. Mais Pascal, de plus en plus surexcité, se débarasse de l'étreinte de sa demi-soeur et se précipite sur l'autre jeune homme Etienne qui cherchait à s'interposer. 

 

Il lui porte alors un coup de tête en pleine poitrine et le terrasse. Ne lui laissant à peine le temps de se relever, il prend son arme et lui tire à bout portant en pleine tête. Pascal et ses amis s'enfuient sous le regard incrédule de Louis qui voit alors son cousin gisant sur le sol. Aidé par ses camarades, il relève son cousin, qui a alors derrière la tête un trou sanglant, et qui râle de douleurs. Il le transporte alors dans la maison la plus proche mais décède quelques temps après. 

 

Le garde champêtre et la gendarerie sont alors prévenus et découvrent rapidement l'identité du tueur. Vers 2h30 du matin, Pascal est arrêté chez ses parents. 

 

Modèle d'un revolver Hammerless à balles blindées mentionné dans l'affaire Couvelard - Image illustrative d'un meurtre entre personnes juvéniles.


Au cours du procès, Pascal a une attitude modeste. Les journaux de l'époque le décrivent comme "se faisant passer pour un timide". C'est avec une simplicité, mêlée d'émotions, en tant qu'homme ayant commis involontairement un meurtre, qu'il raconte devant le tribunal, autant que sa mémoire la lui permet, les faits qui se sont passés. C'est alors au tour des témoins de venir déposer. Chacun témoigne, sans animosité aucune. Le médecin légiste (Dr. Désille) se borne a rendre compte de ses constatations tout en apportant des éléments concordants aux versions des témoins. Il est une déposition cependant qui a fait sensation, celle de son beau-frère M. DELOBEL : après avoir raconté les faits, il réponds à une question du président et dit :

 

<< Pascal n'avait aucune raison d'en vouloir à sa victime qu'il ne connaissait pas. Il est doux comme un mouton quand il est à jeun, quand il a bu il est violent. Et il avait bu toute la journée (...) pour fêter les deux jours supplémentaires de permission que lui avait accordé son commandant. Il était fatigué de ne s'être pas couché la nuit précédente et surexcité par la boisson. Lorsque nous avons rencontré les Couvelard et leurs camarades, lorsqu'il m'a vu causer avec Etienne Couvelard, comme il était un peu derrière moi, peut-être a t-il cru que je me trouvais en présence de gens qui me cherchait dispute. Pour moi, c'est une fatalité.>>

  

Image illustrative d'une cour d'assise en 1920

Les débats se terminent alors, après l'avocat de la partie civile (au nom du père de la vicitme) qui réclame alors 5000 Francs anciens de dommages interêts, la parole est donnée au substitut du procureur (M. LAPAILLEY-FONTENY) qui prononce un réquisitoire sévère et s'efforce à démontrer que Pascal n'était pas ivre au point de ne plus savoir ce qu'il faisait. Il demande au jury de rapporter un verdict en rapport de la gravité du crime commis.

 

 L'avocat de la défense (Me. BENARD) du barreau de Boulogne défend avec talent Pascal. Il est 18h lorsque les jurés entrent dans la salle det donne leur verdict : Pascal est reconnu coupable non pas de meurtre mais de coups et blessures ayant occasionnés la mort sans ayant eu l'intention de la donner ainsi que port d'arme prohibés. Il est donc condamné à deux ans de prison et à 1000 Francs anciens de dommages interêts envers la partie civile. L'audience est levée à 19h. 

 

Photo d'un bataillon de soldats de l'Infanterie Légère d'Afrique en 1916

Quelques mois plus tard, le 4 mars 1915, alors que la Première Guerre Mondiale a éclatée, Pascal intègre le 2e Bataillon d'Infanterie Légère d'Afrique en tant que soldat de 2e classe puis en tant que chasseur de 2e classe le 14 août de la même année. En effet, les individus reconnus coupables de crimes et condamnés suelement à l'emprisonnement, par application des art. 67, 68 et 463 du Code Pénal de 1810 incorpore le bataillon d'infanterie légère d'afrique en vertu de la loi du 21 mars 1905. Il sert donc aux armées au Maroc dans la région de Bab Merzoka en accompagnant notamment des convois militaires. Il devient ensuite caporal en 1916 puis sergent en 1919. Parrallèlement, sa compagne Yvonne met au monde leur premier enfant Edgard Emile DELATTRE le 25 octobre 1917. 

 

1919 - 1924  :  Mariage & arrivée dans l'Oise

 

Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, Pascal et Yvonne se marient à Boulogne sur Mer le 29 novembre 1919. Pascal, est âgé alors de 28 ans, il est mécanicien et vit dorénavant avec Yvonne, âgée de 27 ans, ménagère, au 49 rue Damrémont, dans la famille Delattre. 

 

A partir de 1920, Pascal accompagné de Yvonne et de leur jeune fils Edgard partent vivent en région Parisienne  sur la commune de Presles dans le Val d'Oise, sans doute pour trouver du travail, plus rémunérateur. Ils donnent naissance à Marcelle DELATTRE le 24 octobre 1920. Pascal est alors ouvrier au sein de l'usine des Etablissements Kuhlmann à Villers Saint Paul dans l'Oise. Deux ans plus tard, le 25 août 1922 naît la petite Réjane DELATTRE puis deux ans après Raymond Lucien DELATTRE qui voit le jour sur la commune de Villers Saint Paul, date à laquelle la famille s'installent définitivement dans l'Oise. 

 

Ils s'installent ensuite à Creil en 1924 dans la cité ouvrière du Tremblay. Mais Pascal va vite retrouver ses vieux démons et va commencer à tomber dans la délinquance. 

 

Cité ouvrière du Tremblay à Creil (Oise) au début du XXe siècle

1925 - 1928  :  La grande délinquance

 

Entre 1925 et 1928, Pascal fait l'objet de multiples condamnations essentiellement pour vols. La première a lieu le 25 mai 1925, par le tribunal de Première Instance de Senlis qui constate que le prévenu a soustrait frauduleusement une somme de 150 Francs anciens au préjudice de M. Desprez à St Vaast-les-Mello le 8 mai de la même année. Il est condamné à 3 mois et un jour d'emrpisonnement et au remboursement des frais d'avocat. Il est par ailleurs écroué à la maison d'arrêt de Senlis. 

 

Sur l'acte de mis aux écrous on peut d'ailleurs lire que Pascal sait lire, écrire, qu'il est marié et de confession catholique. Il mesure 1m62 et possède quelques effets personnels à son arrivée : "une casquette grise, un couplet anton, une chemise, une paire de souliers et une nuisette".

 

A travers toutes ces affaires judiciaires, nait en 1926 le petit Robert DELATTRE au domicile familial au numéro 6 rue Lucile à Creil.

 

Article de presse Paris-Soir de 1926 faisant référence aux multiples vols

Le 16 janvier 1927, Pascal a 35 ans, et se retrouve une nouvelle fois devant le Tribunal de Première Instance de Senlis a nouveau pour le vol d'une bicyclette au préjudice d'un certain M. Dessaint. Il est alors condamné en état de récidive à 3 mois et un jour de prison ainsi qu'aux frais d'avocats. Parrallèlement, il est également poursuivi dans le cadre d'une plus ample affaire de vol : en effet, entre février 1925 et octobre 1926, Pascal soustrait frauduleusement une multitude d'éléments : au préjudice de la société "La Tréfilerie" de Creil, une certaine quantité de cuivre,  11 Francs anciens au préjudice de M. Leboucq ;  24 Francs anciens au préjudice du même homme ; un pied à coulisse au préjudice de M. Collin ; un autre pied à coulisse ainsi que trois paluers, deux calibres Mepaisseur au préjudice de la société Hullman ; un couplet de travail et une equerre en fer ; une chignole ; un refroidisseur, une cisaille et divers outils à M. Worsine ; une clé à molette ; un chalumeau à essence... et la liste et encore longue !

Il est condamné par le tribunal pour ces multiples vols en état de récidive, à 6 mois d'emprisonnement tandis que ces trois complices sont acquittés. 

 

Le 1er février 1927, son père, Charles Vincent DELATTRE décède à Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais) à l'âge de 79 ans. 

 

Il est enfin condamné une dernière fois le 23 janvier 1928 à un mois de prison et 500 Francs anciens d'amende pour vol et ivresse sur la voie publique dix jours plus tôt. 

 

1929 - 1941  :  A l'aube de sa vie 

 

En 1929 puis 1931, naissent deux autres enfants : Madeleine et André, tous deux au domicile familial à Creil au 5 puis au 75 rue de la République. A cette époque Pascal vit avec sa femme et ses 6 enfants à la même adresse et il est ajusteur dans l'usine Brissonneau de Creil, comme le rapporte le recensement de 1931, il a alors 40 ans. 

 

L'année d'après, sa mère, Marie TRUPIN meurt à son tour à l'âge de 77 ans à Boulogne-sur-mer. Deux ans plus tard, sa fille Germaine nait à la maternité de Buhl de Creil. Il est ensuite présent et consentant, lors du mariage de sa fille Rejane avec Camille FOURMENT, le 24 décembre 1938. 

 

Bombardements de Creil en 1940

 Arrive ensuite la 2e Guerre Mondiale qui vient bouleverser sa vie ainsi que celle de sa famille : en 1940, alors que les allemands viennent d'entrer dans Creil, plusieurs bombardements ont lieu. Son fils Raymond Lucien disparait sans laisser de trace jusqu'à ce jour, tandis que le reste de la famille fuit le conflit comme beaucoup d'autres à cette époque. La famille part se réfugier dans le Lot-et-Garonne dans le village de Hautefage-la-Tour. 

 

Sans doute fatigué de ce voyage, malade et totalement anéanti, Pascal Oscar Emile DELATTRE meurt sur l'avenue de Layrac à Agen, le 13 juin 1941 à l'âge de 49 ans. Il laisse ainsi Yvonne et ses enfants seuls jusqu'à leur retour dans l'Oise à l'aube de la guerre.